Lorsqu'elle découvrit le petit carton d'invitation estampillé du symbole du très prestigieux Institut Hamilton, Sélis crut à une blague. Ce gala annuel de charité était toujours un évènement à Cove Bay. Mais la plupart des habitants de la ville vivaient ce bal uniquement à travers les médias et les bouches à oreilles puisque jusqu'à aujourd'hui, n'étaient invitées que les plus grosses fortunes de la région. Ce qui était loin d'être le cas concernant la jeune femme. Elle fini par se persuader que ce carton lui était bel et bien adressée lorsque toute la ville se mit à parler de cette réception, à exhiber leur invitation et à se précipiter dans les magasins pour dénicher la plus belle robe ou le plus beau costume.

Sélis regarda tout d'abord de loin cette effervescence. Mais se surpris à se prendre petit à petit au jeu en lorgnant du coin de l'oeil les robes spécialement exposées dans les vitrines. Les fêtes elle connaissait, mais les mondanités, par réellement. Se retrouver engoncée dans une robe honteusement chère qu'elle ne remettra certainement jamais et faire des courbettes à droite et à gauche ne l'avait jamais réellement attirée. Il faut dire que le monde dans lequel elle avait grandi ne se prêtait pas réellement à ce type de rêverie. Tout était plus simple et plus naturel. Cependant, cette invitation avait tout de même piqué sa curiosité.

Elle était curieuse d’assister à un tel évènement. Une occasion qu’elle n’aura peut être plus jamais de côtoyer un monde qu’elle ne connaissait pas et qui, il fallait bien l’avouer, faisait un peu rêver. Elle était curieuse de voir comment les "grands du monde" allait pouvoir côtoyer les « petites gens », comment ils allaient pouvoir approcher cette face de la société, et inversement. Et surtout, elle était curieuse de savoir pourquoi l’Institut avait étendu les invitations à toute la ville ? Que préparait-il pour avoir autant investit dans ce gala ? Quoi qu’il en soit, ca promettait d’être folklorique et grandiose. Sélis en était persuadée.

Elle se mit donc à la recherche d’une robe, de bijoux, de coiffure, de maquillage et joua à la fille devant son miroir pendant toute la journée précédent le gala. Un casse tête qui ne lui était pas familier surtout pour un tel évènement. Mais elle finit par se décider. Ainsi, elle se présenta non pas à l’heure indiquée sur le carton, mais un petit peu en retard devant les grandes portes de l’Institut Hamilton. Sa grand-mère lui avait dit un jour qu’arriver en avance ou à l’heure à un rendez vous n’était pas polie. Sélis lissa sa longue robe grise, ajusta son collier, un vieux bijou fantaisie appartenant à grand-mère Sally qui à son soulagement se mariait bien avec sa robe et enfin, coinça une mèche blonde derrière ses oreilles. Il était l’heure de faire son apparition.

Un léger sourire se dessina sur ses lèvres rosées. Elle avait eu raison. C’était grandiose. Digne des films. La décoration de la salle était magnifique. Tout était réunit, des buffets, un orchestre, des belles robes et des hommes élégants. La jeune femme se croyait presque dans un film. Elle se faufila entre les invités pour arriver au milieu de la salle, le nez en l’air à observer les décorations. Et se retrouva vite un peu gauche. Seule, sans connaissances à proximités. Alors, pour se donner une contenance, elle se dirigea vers le buffet et picora un ou deux amuses gueules avant d’aller les grignoter à côté d’un gros bouquet de fleurs qu’elle ne put s’empêcher de remettre en place.

« - Tu vas aller au gala de charité à l’institut Hamilton et tu nous ramène au moins trois numéros de téléphone. De trois filles différentes attention.

- Merci p’tit génie, j’avais pas deviné. Ah au fait, je te hais. »

Les amis peuvent parfois être cruels. Bon, c’était vrai, il avait fait un pari, et il avait perdu. Mais quel pari ! « Je parie tout c’que tu veux que tu pourras pas avaler plus de cent chamallows. » C’était sous-estimé l’estomac des écossais, et pourtant, il en était un … Bref, après une bonne claque mentale et un ego blessé, il se rendit à l’évidence, après avoir tenté toutes les feintes possibles et inimaginables, il décida d’accomplir l’œuvre de sa défaite avec bravoure et d’aller au gala. En réalité, les bals, ça ne pouvait pas être si mauvais que ça, et puis ça lui permettait de sortir son costume. Il l’aimait bien ce costume … Oui bon, en réalité il l’avait emprunté à son frère, mais il lui allait comme un gant alors, pourquoi s’en priver ?
C’était plus qu’un bal selon l’annonce. C’était un gala de charité organisé par l’institut Hamilton. Comment Alastair va-t-il bien pouvoir faire pour se dissimuler autour de tous ces gens venu pour donner leur argent à une bonne cause ? Il n'en savait rien et ça l'inquiétait même un peu. Imaginez qu'un garde du corps de 2m15 l'attrape par les épaules et le balance dehors ... S'il rend le costume de son frère avec une petite égratignure, il risquerait d'y avoir les murs tremblent.

Il y avait une caractéristique surprenante chez Alastair. Même avec toute la bonne volonté du monde, il n’était jamais à l’heure à un rendez-vous. Sauf pour les examens. Il devait y avoir une sonnette d’alarme dans son cerveau ces jours-ci. Mais entre amis, s’il avait seulement vingt minutes de retard, il s’estimait à l’heure, rien que ça. Ce soir, cette caractéristique n’allait pas échapper à la règle. Cependant, même s’il a entendu au détour d’un couloir « C’est un gala, tu viens à l’heure que tu veux, on s’en fout … Au fait, tu viens avec qui ? », Alastair se sentirait plutôt mal à l’aise de débarquer au milieu d’une salle où tous les yeux seraient rivé sur lui. Quant à la partie de la phrase « Tu viens avec qui ? » Alastair avait déjà prévu de venir avec sa conscience qui prenait assez de place comme ça dans la voiture, pas besoin de ramener quelqu’un d’autre. De toute manière, il pensait qu’il allait trouver quelques étudiants sur place.
Au niveau des plans et de l’architecture, Alastair connaissait bien l’institut. En effet, lors de sa première année en histoire, tout un cours était consacré aux bâtiments les plus prestigieux du pays, de par leur histoire où leur originalité en ce qui concerne les plans et les différentes salles. Bon, honnêtement, Alastair avait retenu quelques bribes de ses leçons, mais une fois sur place, c’était comme avoir le professeur en face, mais beaucoup mieux : la façade parlait d’elle-même tant elle était foisonnante de frises végétales et d’ornements. Néanmoins, ce n’était rien face au luxe qui régnait dans une des salles du rez-de-chaussée, celle aménagée pour le gala. Des buffets à tous les coins, un orchestre se mêlant parfaitement à l’ambiance de la salle et une décoration flamboyante. Pour un gala de charité, l’organisation n’avait pourtant pas lésiné sur les moyens …
Son instinct guida ses pas directement vers le buffet. Quitte à se foutre la honte en essayant de choper des numéros à des jeunes filles inconnus, autant bien manger pour se réconforter. Et quelques verres également l’aideraient sans doute à avoir plus de courage. Pas de chance, Alastair n’aimait pas l’alcool. Ce n’était pas sa boisson favorite disons … Peu importait sur le moment, il décida de commencer sa soirée par une petite boisson. « J’vous prendrais un … euh … » Ca se voyait qu’Alastair était complètement perdu au milieu de toutes ces bouteilles et autres saladiers remplis de ponch ou il-ne-savait-quoi-d’autre ? Oui, ça se voyait lamentablement. « Donnez-moi … n’importe quoi. Quelque chose de pas trop fort s’ioû plait » Le barmaid regarda Alastair d’un air mitigé entre l’amusement et le désabusement tandis que le jeune McDonell lui rendit un demi sourire assez gêné. Il ne remarqua pas la jeune femme blonde non loin de lui. En fait si, seulement après avoir bu une gorgée. C’est seulement en croisant son regard qu’il regretta de ne pas avoir pris quelque chose de plus fort. « Bonsoir ». Même s’il était gauche, il restait poli, c’était mieux que rien.

Quand elle avait reçu le carton d'invitation, Kennedy s'était dit que tout cela n'était qu'une bonne blague et que jamais le docteur Hamilton n'oserait faire une chose pareille. Et pourtant, la voilà qui se trouvait à son lieu de travail habituel, sauf qu'au lieu de traîner dans les laboratoires comme à son habitude, la jolie rouquine portait une robe bleu nuit et se trouvait dans le rez de chaussé. À regarder les personnes défiler, boire et s'amuser, sans savoir qu'une lourde menace pesait véritablement sur eux, sans se douter une seule seconde que tout ceci n'était peut être qu'une belle mascarade dans le fond. La jeune femme se tenait toujours à l'entrée, se demandant si elle devait faire le pas de plus ou pas. Devait-elle rentrer, prendre un petit four, mimer un faux sourire et aller parler aux gens? Ou au contraire devait-elle vraiment paniquer et essayer très de faire sortir les gens. Peut être mettre le feu à quelque chose? À un rideau? Ou même allumer l'alarme à incendie par pur hasard. Zeppelin sourit à moitié de sa propre blague, à moitié seulement, se passant une main dans les cheveux comme à chaque qu'elle était angoissée. Ils étaient détachés comme à son habitude, sauf que cette fois ci, elle avait réussi à les lisser et elle n'était pas vraiment mécontente du résultat et... Zep se donnait une gifle mentale, il fallait qu'elle se concentre et pas question de se laisser distraire. Ce soir, la neurologiste devait de rester sur ses gardes, elle ignorait totalement ce qui pouvait se passer, mais autant de monde, autant de paranormaux dans l'enceinte de l'institut... Cela ne pouvait que la mettre très mal à l'aise, surtout quand on savait vraiment ce que les scientifiques faisaient dans ces mêmes lieux. C'était bien cela le problème, personne ne savait vraiment, personne ne posait de question et tout le monde trouvait cela absolument normal. Zeppelin vivait avec la peur au ventre, de peur que les choses dégénèrent, pour elle, pour les habitants de Cove Bay, pour ses propres parents.

C'était une peur constante qui parfois la réveillait en sursaut la nuit et se glissait avec elle sous les couvertures quand elle essayait de se rendormir. Ça et la culpabilité, de se dire que dans le fond, elle aussi était coupable, qu'elle avait aidé le docteur Hamilton et qu'au final, elle ne devrait pas avoir une si haute opinion d'elle même. Oui, Zeppelin était une belle hypocrite et dans le fond, elle savait très bien que tout ceci lui retomberait dessus tôt au tard. Non, la russe ne croyait pas du tout au karma, elle était une scientifique après tout, mais elle le savait, aussi bien qu'elle connaissait les régions du cerveau, que tôt ou tard elle aussi payerait pour sa participation dans tout ceci... Elle poussa un grand soupir et fit enfin un pas timide à l'intérieur de la salle. En attendant, il fallait bien qu'elle se lance, peut être que cela irait mieux avec un peu d'alcool, se dit Zep en jetant un regard sur le buffet, se tordant toujours les doigts. Oui, sa nervosité était visible, peut être comme le fait qu'elle n'avait pas l'habitude de marcher sur des talons aussi haut, mais rassurez vous, Zeppelin n'avait pas l'intention de tomber. Quoi que, si cela pouvait attirer l'attention de quelqu'un...

Les invités commençaient à se presser dans la salle. Des petits groupes se formaient çà et là, des mains se seraient virilement et des éclats de rires se faisaient entendre bien qu'un peu timides pour le moment. Il faut dire que même si le bar était fréquenté, le pouvoir désinhibant de l'alcool n'avait pas encore fait effet. Ce n'était pas spécialement étonnant. Non seulement la soirée ne faisait que commencer. Se montrer pompette dès la début n'aurait certainement pas fait bon genre. Or il était clair que le gala ne se déroulait pas chez Dédé la Frite. Et puis la plupart des gens n'étaient jamais entrés dans ce prestigieux établissement et encore moins pour un bal de cette envergure. Peu se connaissaient et la plupart semblaient déjà vouloir tâter le terrain avant de se mettre un peu plus à l'aise.

Et ce n’est pas Sélis qui allait le contredire puisqu’elle tentait de se planquer piteusement derrière les gros bouquets de fleur qui ornait les extrémités des buffets. Ses petits fours avalés, elle se sentie de nouveau bête. Et commença donc à faire ce qu’elle savait faire de mieux, tripoter les fleurs. La présence et le contacte de ces végétaux l’avait toujours rassurée. Si elle prenait un air concentrée, la jeune femme observait du coin de l’œil les arrivées. Et plus les minutes passaient, plus elle dû faire une navrante constatation. Il y avait beaucoup de couple. Ça allait de soi. Le mot bal allait de pair avec le mot cavalier. Comment n’y avait-elle pas pensé ? Sélis était tellement indépendante que même l’idée de se faire accompagner ne lui avait pas effleuré l’esprit.

C’est sur cette terrible réflexion que la jeune femme blonde sursauta. Quelqu’un lui parlait ! Elle sortit un peu de sa planque et regarda avec des yeux ronds le jeune homme qui s’excusa de son effet de surprise. Sélis n’y prêta pas attention. "Tu as certainement raison." La jeune femme ne s’embarrassa pas des convenances. Son interlocuteur semblait sympa et avoir le même âge qu’elle. Le tutoiement s’imposa de lui-même. "Mais j’aime bien farfouiller". Avoua-t-elle timidement, presque pour s’excuser d’avoir osé toucher au décor. "J’aime pas trop quand … Enfin tu vois, des trucs pas bien mis …" Bafouilla-t-elle en faisant des gestes approximatifs autour du bouquet.

Lorsque Sélis eut l’impression qu’elle s’enfonçait plus qu’elle faisait la conversation, elle s’intéressa à autre chose. Notamment la veste du jeune homme. "Votre veste est top ! Ça change des vestes grisâtres …" Dit-elle sur un ton de confidence en montrant du menton les invités. Comme quoi on pouvait avoir une certaine classe sans porter du noir ou du gris. Du gris. Sa robe était dans ces tons."Enfin le gris c’est pas mal aussi ! Surtout quand c’est gris perle …" Tenta-t-elle pour sauver la face. En l’occurrence, sa face. "Un p’tit four ? Ceux avec l’espèce de gélatine verte sont divins !"